La globalisation, le foisonnement d’innovations technologiques et la concurrence de start-ups agiles forcent les grandes entreprises à se réinventer et à trouver des idées novatrices. Le mot d’ordre est clair : « Disruptez-vous ou quelqu’un d’autre le fera ! ». Dans ce contexte, les initiatives fleurissent chez les corporates pour passer à la vitesse supérieure afin de créer des produits « intelligents », transformer l’entreprise de produits en une entreprise de services, créer de nouveaux business modèles ou aller au-delà des limites de son secteur traditionnel.
Si les recettes commencent à être connues pour générer des idées neuves au sein et dans l’écosystème de l’entreprise, les façons de transformer ces idées en business importants (Scaling-up) restent en revanche à inventer.
Les outils de l’innovation corporate. La littérature est abondante sur les outils efficaces pour générer de l’innovation en entreprise. On peut citer pêle-mêle :
• Les centres d’innovation corporate (Lab, incubateurs, accélérateurs…).
• Les sourcings d’idées (Concours interne/externe, les «hackathons», les appels à projets…).
• L’exploration (Learning Expeditions, les partenariats entre entreprises/universités, Les centres de veilles…)
• le Corporate Venture Capital, qui est passé d’un instrument de croissance externe à un moteur majeur de l’innovation.
Toutefois, si les méthodes sont connues, le succès de la recette tient au dosage des ingrédients et surtout à la faculté d’entraîner une dynamique collective au sein de l’entreprise. (Cf mon précèdent article.)
Plus encore, il y a peu de rapports indiquant que les idées issues de ces approches ont vraiment fait bouger les choses. Bien au contraire, de plus en plus d’entreprises prestigieuses, dont certaines sont des leaders mondiaux, ont stoppé ces démarches, faute de résultats.
Alors, comment développer ces innovations dans une grande entreprise comme semblent savoir le faire les start-ups ?
Appliquer deux principes-clés (pas si récents) qui ont faits leurs preuves : « Crossing the Chasm » et « Effectual reasoning »
Avec « Crossing the Chasm », Geoffrey Moore a fait le constat, il y a déjà 25 ans, qu’il existe un fossé à franchir entre la phase réussie de lancement d’une innovation non incrémentale et son passage à l’échelle. Or ce fossé existe aussi en interne au niveau de l’adoption de l’innovation. Le taux de transfert des idées prometteuses est trop faible et la litanie des bonnes raisons pour ne pas le faire se fait systématiquement entendre : « le business model n’est pas compatible avec nos KPI », « cela va cannibaliser nos marchés actuels », « c’est trop compliqué », « c’est trop cher », « le marché est trop petit », « il n’y a pas d’équipe pour s’en charger », …
Copyright Geoffrey Moore
« Effectual reasoning ». Les business unit sont, par essence, conçues pour exploiter les opportunités offertes par des marchés existants pour des innovations incrémentales basées sur des technologies et des modèles commerciaux définis avec des objectifs financiers solides et à court terme. Par simplification on peut assimiler cela à ce que Saras Sarasvathy définit comme un raisonnement « causal ». Ainsi, elles excellent dans l’industrialisation mais elles ne sont pas adaptées aux innovations exploratoires risquées, incompatibles avec le système commercial en place. A l’inverse, les start-ups ont un ADN exploratoire. Par définition, elles sont conçues pour aller plus loin et explorer un terrain qui n’est pas encore dans le périmètre de l’entreprise (Cf W. Chan Kim et Renée Mauborgne : Stratégie océan bleu). Elles appliquent des méthodes basées sur des principes de test-and-learn et sont axées sur des objectifs de rentabilité à plus long terme ou plus incertains. Par cette approche « effectual », elles excellent dans la recherche de nouveaux d’écosystème de partenaires et de co-innovation et poussent les programmes d’innovations dans de nouveaux modèles commerciaux et parfois même au-delà des limites définies de l’industrie.
Le cas des Pepsico illustre bien la mise en pratique réussie de ces principes
Le développement de nouveaux produits et marques sans cannibaliser ses activités actuelles est un défi auquel PepsiCo.Inc est confronté. Tout nouveau produit vient nécessairement en remplacement d’un autre sur les rayonnages des magasins.
Pour résoudre le problème, la société a créé un district distinct appelé Hive. L’équipe est chargée de promouvoir les meilleurs nouveaux produits sans sacrifier l’espace d’étalage pour les autres produits.
Le nouveau produit est alors « élevé » dans un système de distribution spécifique jusqu’à ce qu’il atteigne un certain chiffre d’affaire. Il est ensuite réintégré ou non au système de distribution principal.
Ainsi, Pepsico a su créer un petit groupe agile de type entrepreneurial au sein de l’entreprise agissant avec les réflexes d’une start-up tout en permettant aux grandes marques existantes de s’épanouir sur le marché principal.
Comment tirer le meilleur des deux mondes ?
Contrairement aux start-ups indépendantes qui se battent essentiellement sur un seul font, celui du développement de leur marché, les start-ups corporates doivent se battre elles sur leur marché et sur un deuxième front interne. En effet, tout ou presque opposent l’entreprise et la start-up : les objectifs commerciaux, les process, les organisations, les budgets, les ressources, les contraintes (légales, financières…) et, au bout du bout, souvent les business model. C’est inévitable mais cela peut être réconcilié !
Aménager en interne le terreau nécessaire à l’épanouissement de la jeune pousse. En travaillant avec nos clients et en collaborant à des études collectives (cf « David avec Goliath » de Bain & Cie. et RAISE) sur l’amélioration des relations entre les start-ups et les grands groupes, nous avons défini un modèle organisationnel, des outils méthodologiques, les process et l’écosystème pour créer cet environnement favorable au passage à l’échelle (Scale-up). Dans les grandes lignes, cela revient à bâtir une interface unique entre la start-up et l’entreprise pour l’affranchir de la complexité des relations avec : la direction générale, les Bus, les fonctions supports (Juridique, MarCom, IT, RH, les achats…), la direction financière par un modèle de « gestion contrôlée » spécifique, le management, les ressources internes et les ressources externes.
Une fois que ce contexte propice au développement de la start-up est établi, on peut développer une culture interne de l’« Effectual reasoning » et de l’innovation en s’appuyant sur le solide corpus de connaissances des méthodes efficaces utilisées pas les start-ups :
• le Design thinking, qui permet de comprendre les besoins non satisfaits / insuffisamment servis,
• Le Lean Start-Up qui aide à comprendre comment transformer ces idées en un succès commercial,
• L’Open-innovation qui permet de d’intégrer des idées neuves dans un écosystème ouvert,
• Le Business Model Canvas qui aide à définir un langage commun entre interne/externe afin de travailler sur des business model innovants.
Conclusion : Créer les conditions du succès
Pour conclure, vouloir imposer une culture entrepreneuriale ou décréter l’innovation en entreprise ne fonctionne pas. Cela s’opposera toujours aux forces de rappel interne : la règle du statu quo dans la prise de décision et la crainte du salarié d’agir hors de son domaine de légitimité supposé ou réel.
Aborder l’enjeu de l’innovation corporate à la fois par une démarche organisationnelle et culturelle permet de réduire les difficultés (complexité des processus, résistances au changement, intérêts divergents…) inhérentes à toute organisation et de diffuser une culture entrepreneuriale et « effectual » de façon virale dans l’entreprise. Cette méthodologie a fait ses preuves chez nos clients. Elle leur a permis de bâtir une vision collective que l’on pourrait définir comme un « mythe collectif » d’une entreprise agile et innovante où l’on peut passer sans risque d’une idée en rupture à un marché de grande échelle.
InnOpen accompagne les corporates dans leur démarche d’innovation participative. InnOpen.io – Guillaume Desveaux