Masterclass “Innover pour transformer”

Guillaume Desveaux, CEO de InnOpen, organise des conférences autour de l’implication de l’intelligence artificielle dans l’entreprise, où il en est principal conférencier.

Cette masterclass a pour but d’explorer collectivement les questions clés autour du digital et de l’intelligence artificielle que se posent ses clients.

Vous pouvez retrouver cette masterclass ici:

https://www.lecampus.online/replays/innover-pour-transformer?rq=Desveaux

 

Innovation : comment éviter la “vallée de la mort”​ du passage à l’international?

Après de nombreux entretiens et ateliers, et un louvoiement politique mené avec brio, le Comex a tranché : les leviers d’innovation internes et externes vont être déployés dans l’ensemble des filiales. Et là, “yapluka” ? Pas vraiment. C’est souvent lors du déploiement international que le bât blesse. Entre les filiales qui n’y voient pas d’intérêt, les “anti” qui veulent prouver par A plus B que le Comex a eu tort, le chef de projet trop junior ou trop seul politiquement, les choses se corsent.

Pour de nombreuses entreprises, la phase de déploiement international est une « vallée de la mort », dans laquelle le programme d’innovation peut mourir. Ce constat nous a conduits à réunir nos expériences et nos expertises afin d’apporter des éléments de réponse à nos clients sur cette problématique. Nous avons analysé différents cas clients pour identifier les principaux freins et les adresser.

Les principaux challenges

“Yes ! But it is different in my country” (à prononcer avec plusieurs accents), entend-t-on fréquemment. Cette phrase traduit un non-engagement, voire une forme de rejet, des filiales envers ce programme mené par le siège. Introduire de nouvelles pratiques innovantes dans des cultures diverses dans une entreprise établie se heurte inévitablement aux process, aux habitudes et aux règles tacites ou explicites du groupe. Il ne faut pas oublier qu’une grande entreprise est souvent gouvernée par l’art du statu quo.

Nous avons identifié dix zones de frictions à traiter en priorité. Dans une approche «effectual» (cf. « Effectual reasoning » de Saras Sarasvathy), l’objectif ne sera pas de les résoudre dans leur ensemble par une formule magique, mais de les traiter indépendamment pour en atténuer les effets grâce à une approche ad hoc. Il y a deux grandes catégories à traiter : les éléments factuels (KPI, budget, réglementation…) et humains (organisation, culture, engagement, management…).

L’intervention de Maud Bailly sur son rôle de CDO chez Accorhotels éclaire bien la posture à adopter vis à vis des autres fonctions de l’entreprise et des collaborateurs pour engager un dialogue constructif. En quelques mots, il faut avant tout savoir se mettre au service des autres, cultiver l’intelligence collective, faire preuve de pédagogie, d’humilité et enfin apprendre à désapprendre (cf. cet article sur l’approche “causal” que nous pratiquons tous VS l’approche “effectual” des startups).

Une fois cela établi, il faut dérouler. Pas de magie, mais de la méthode

Déployer les outils d’innovation à l’échelle internationale nécessite de pouvoir répondre à trois questions : où, quand et comment ?

Où ? La première question à se poser est la manière de le structurer le déploiement : quelles filiales embarquer en premier lieu, puis dans quel ordre embarquer les suivantes. Il existe une multitude de réponses à ces questions, et qui varient en fonction de paramètres tels que l’organisation, la culture et les personnes.

En fonction de ces paramètres, il peut être intéressant de s’engager dans le programme de déploiement de manière spécifique : en engageant les filiales une par une, par groupes de filiales, par régions ou business units (en miroir de la structure organisationnelle) ou carrément toutes en même temps. Pour comprendre les bénéfices et les contraintes de chaque approche, vous pouvez consulter le livre blanc

“10 conseils pour piloter un programme international” (Delphine Fondu, 2018).

Quand ? Un déploiement trop rapide risque de faire échouer le lancement si le modèle n’a pas été sérieusement crash-testé dans quelques pays pilotes. Le vocabulaire en français est évocateur : « une jeune pousse ». Tous les apprentis jardiniers le diront : on ne replante pas une plante en terre trop tôt sous peine de la voir inévitablement mourir. Un lancement raté dans l’un des premiers pays d’essaimage, et c’est l’échec assuré de tout le programme.A l’inverse, un déploiement trop lent pourrait également aboutir à un échec. Si la résolution de tous les problèmes et de tous les obstacles prend trop de temps, la dynamique d’engagement virale des collaborateurs s’arrêtera et le programme s’éteindra de lui-même.

Les méthodologies type Lean Startup ne donnent pas de réponses à cette importante question. Seul une analyse des indicateurs internes de l’entreprise pour un pays donné, croisé avec les opportunités ou les contraintes du marché local, permettent de répondre à cette question.

Comment ? Inutile de dire que le déploiement d’outils d’innovation à l’échelle internationale nécessite les meilleurs talents de gestionnaire de programme et le support d’experts en transformation des organisations, à la fois parce que l’innovation est au cœur de la stratégie de l’entreprise et aussi parce que l’implémentation bouscule les habitudes internes. Il existe néanmoins quelques recettes de succès pour l’implémentation.

L’épine dorsale de la gestion du programme doit reposer sur un mode collaboratif, à la fois pour l’implémentation et pour le mode de croisière. Celui-ci peut s’appuyer sur des outils collaboratifs du type Digital Workplace et sur l’animation de la communauté des innovateurs. Dans ce dernier cas, il s’agit d’adapter les principes de développement des startups en allouant une ressource de community manager.

Une fois le programme de déploiement terminé, il est important que les outils mis en place et les postes pourvus restent pérennes et ancrés dans les usages quotidiens. Car, avec le temps, l’organisation va changer, et le nouveau management, qu’il soit local ou central, pourrait vouloir mettre sa touche ou même challenger ceux-ci. Ces changements peuvent mettre en péril l’adoption, voire même donner raison aux challengers. Dans une organisation en constante mutation, il est primordial de stabiliser les outils dans le temps, de continuer les actions d’animation de la communauté, et d’assurer un reporting des impacts de la démarche.

Des pépites cachées

Et pour terminer, l’éloignement géographique du siège peut aussi constituer une opportunité, par exemple pour la localisation du laboratoire d’innovation. Comme le cite Bert DuMars dans son article “The Costs and Benefits of Innovation Labs” (Forrester, 2013), plus un laboratoire d’innovation est loin du siège, plus forte est son orientation pour les nouvelles technologies, et plus grande est sa capacité à transmettre les innovations à travers les filiales. A méditer.

Malgré l’abondante littérature sur l’innovation, il n’existe pas à proprement parler de méthodologie pour garantir la réussite d’un déploiement à l’international. La clé réside dans l’identification des pays pionniers et l’animation dans la durée d’une communauté d’ambassadeurs. Ils auront pour rôle d’être des “sachets de thé”, comme l’a évoqué Maud Bailly, et les démineurs des dix zones de frictions évoquées plus haut, avec le support de l’équipe centrale.

Guillaume Desveaux

Fondateur d’un accélérateur de Start-up – CEO d’InnOpen.io, conseil en Innovation Corporate

Delphine Fondu

Consultante indépendante, experte en déploiement international